Eléments de scénario pour création collective sur quartiers et villages
Désirant mettre en scène le travail des collecteurs de traditions et de témoignages d’existence (qui œuvrent pour une mémoire revivifiée et contemporaine, inter-générationnelle et multiculturelle en Corse) ; j’ai choisi un thème qui évoque une forme de spatialisation ludique, bien connue sur l’île, pour figurer un certain rapport au lieu : U Tre.
Les premières scènes rassemblent d’un côté, un groupe d’enfants et de l’autre, celui des collecteurs qui observent le déplacement des premiers sur une place de village où ils jouent. Devant une figure géométrique carrée : « U Tre », des garçonnets sont disposés en vis-à-vis, s’expliquant les règles du jeu, tandis que deux gamines ont fait de cette figure un espace d’accueil (maison fermée ou ouverte).
Le déplacement des enfants et le rôle qu’ils choisissent de mimer en improvisant peut révéler une première différenciation entre l’espace du dehors (espace sauvage ou public, masculin) et celui de l’intériorité (la maison, la féminité, le réceptacle…). Cette distribution des rôles est évidemment transitoire et n’est là que pour rappeler certaines traditions corses que va justement évoquer une vieille femme, qui, depuis le seuil d’une maison, (c’est à dire entre le dehors et le dedans, où précisément sont souvent dessinées les formes géométriques) va s’adresser au groupe des collecteurs en leur demandant quel est le sens et l’objet de leur recherche. Puis, pour parler du jeu qui occupe les enfants, elle fait référence aux travaux de certaines personnes ou associations corses ou étrangères qui l’ont particulièrement étudié en révélant ses sources d’origines diverses (souvent méditerranéennes : pythagoriciennes, latines, etc…).
Ce qui va orienter le film dans d’autres directions et déplacer l’angle d’approche : la mise en scène intégrera de courtes fictions où le personnage de « l’Etranger » sera évoqué par une figure emblématique et symbolique de l’aire méditerranéenne : « Ulysse » qui rencontrera enfants et vieille femme au cours de son retour au pays supposé des Lestrygons (Sicile , Sardaigne ou Corse ? Serait-ce Bonifacio ?) ; son errance et sa recherche, sur l’île, des traces de son premier passage ainsi que celle de ses amis disparus.
Simultanément, comme l’indique le titre de cette création collective multimédia : « Repérages », nous basculerons fréquemment vers une mise en perspective qui se répètera à intervalles, tout au long du documentaire, sur un support de traitement de l’image : celle d’un écran de montage devant lequel un technicien visionne certaines séquences filmées. Sur cet écran vont alterner documents d’archives et éléments de repérages ou d’interviews.
(Ultérieurement cet écran fera place à ceux de moniteurs d’ordinateurs pour le recueil et le traitement des documents textuels ou iconographiques et sonores.)
C’est bien ce travail sur écrans, permettant un traitement artistique, qui ouvre un espace virtuel de recomposition et de ré-créations plurielles.
Le groupe des collecteurs de mémoire locale poursuivra sa quête en différents lieux de Corse où l’on trouve trace des figures géométriques (Aregno en Balagne, village de Balbo dans le Cap Corse, etc…). Il traversera aussi des zones dévastées par les incendies, ce qui entrainera une comparaison imagée avec les désastres entraînés par la perte inexorable des savoirs ancestraux et l’extinction de la langue maternelle qu’ils voudraient sauver de l’oubli ; conscients de contribuer ainsi à la revitalisation des lieux de mémoire.
En tant que symboles de spatialisation insulaire et vecteurs d’une mise en réseau, il sera porté une attention particulière aux Tours Littorales (Art et Patrimoine), qui avaient autrefois fonction défensive en favorisant la transmission des informations (signaux, feux) sur le milieu maritime et l’environnement.
Aujourd’hui elles pourraient être requalifiées en permettant d’aménager les lieux de vie, de rencontre, de mémoire partagée en même temps que nœuds de circulation pour d’autres formes de communication et production de services pour les résidents, les visiteurs et les entrepreneurs d’un développement économique moderne et durable s’appuyant sur les usages des nouvelles technologies et de l’industrie numérique.
Puis c’est l’arrivée en ville (Bastia), où cette fois les collecteurs de mémoire vont porter leur attention sur des quartiers défavorisés où pourtant ils découvrent aussi des enfants étrangers pratiquant des mêmes jeux sur des figures géométriques similaires. Cela les entrainera dans des dialogues avec les résidents sur les traditions relatives à ces pratiques ludiques d’origines proches ou lointaines.
Un éclairage particulier sera porté sur l’histoire : évocation de la lutte des Résistants lors de la Libération de la Corse, aux côtés des Goumiers marocains.
Ce qui permettra aussi l’ouverture vers d’autres rivages où l’on peut retrouver trace de ces usages et les constructions architecturales d’autres littoraux (Phares, Tours, etc).
Après ce rappel du passé et de la mémoire collective, nous évoquerons l’usage contemporain des technologies numériques et du multimédia :
Pour aménager l’espace des territoires par la circulation des informations et le brassage culturel ;
Pour raffermir les liens sociaux et rendre productives les créations collectives ou individuelles d’œuvres artistiques et d’animations originales ;
Pour y proposer des services de proximité aux personnes et de coopération (créations collectives – in situ comme à distance – diffusées dans le respect des droits d’auteur sous Licence Creative Commons, mise en réseau, vidéo-conférences sur Web et pratiques coopératives sur logiciels libres).
Nadine Manzagol « Repérages »- Publié aux Editions A Fior di Carta
NB :
1) Je n’ai pas voulu dissocier la ville de son environnement rural.
2) Ce sujet, qui pourrait encourager le développement économique, ainsi que le brassage culturel et social, suppose que particuliers, associations ou PME qui accepteront ces propositions de traitement multimédia, assument et mettent en œuvre un certain autofinancement de départ.
3) Faire appel aux ressources de la créativité, à la connaissance de l’histoire et à l’utilisation des médias alternatifs m’incite à ne pas différencier au préalable « professionnels » et « amateurs » ; ils sauront ultérieurement – « Working in progress » – se qualifier selon leurs compétences, les œuvres réalisées ou les produits et services qui découleront de ce programme.
4) Les vidéos réalisées selon ces propositions seront publiées sous licence Creative Commons.
Photos de Jean Philippe Poli
Sites web de Jean Philippe Poli
http://jeanphilippepoli.wordpress.com/
http://www.jeanphilippepoli.com/
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